Le charme des Temps Modernes réside dans les compositions audacieuses de Nicolas Leoni où la pop chic de haute volée rencontre des ambiances électroniques et cinématiques, soutenues par les textes tour à tour grinçants et mélancoliques d’Alexander Faem. Pourtant, Nicolas Leoni et Alexander Faem composent à l’origine un duo improbable : l’un a été formé au jazz et à l’improvisation, et l’autre, à la pop et aux textes ciselés… faisant fi de cet antagonisme, ils se sont associés pour ce projet musical ambitieux. Que nous racontent Les Temps Modernes ? C’est la vie terne d’un petit cadre sans relief qui passe ses journées dans une tour en verre fumé de La Défense en repensant à ses vacances d’ado à Ibiza sur « Devant mon ordinateur » qui affiche d’emblée un groove sémillant. Narrant des amours érotiques et toxiques avec une collègue de bureau, « Catapultes » est une ballade piano-violoncelle aux arrangements subtils. « L’Oklahoma » déplore sur fond d’orgue et d’arabesques le destin de l’humanité figé par la société de consommation et la peur de vieillir. « Nous n’avions pas trente ans » distille sa mélancolie à coups de piano électrique et de cuivres feutrés. « Mon patron est amoureux » avoue un désir de domination machiste avec un final semblant venir tout droit de l’univers de David Lynch. Éprouvant le besoin de vivre en dehors de ce monde voué à la décrépitude et l’angoisse d’y voir grandir sa progéniture, « A mille année lumière » nous balance un rythme électro et des riffs de claviers rêveurs et entêtants. On y retrouve aussi la correspondance imaginaire avec Franz Kafka pensée comme un monologue de théâtre sur « Lettre à Kafka », œuvre ainsi dans un mid-tempo lancinant et vaporeux… tandis que l’élégante facture pop orchestrée du titre « Hommes invisibles » nous invite à réfléchir sur le devenir de la masculinité occidentale. Les textes aussi sentimentaux que drolatiques contribuent à renforcer cette observation ironique de notre modernité… mais s’agit-il réellement de dénoncer un futur hypothétique ? Ne s’agit-il pas de la description la plus factuelle de notre présent ? Un titre trompeur pour une échappée musicale hors normes dans les profondeurs de l’âme humaine.